Verres aux cendres
Matières premières, recettes et réseaux d’approvisionnement au Moyen Âge en Occitanie
L’Occitanie est riche d’un patrimoine verrier pluriséculaire, dont la Verrerie Ouvrière d’Albi (VOA) ou les verriers d’art de Palau-del-Vidre sont les héritiers directs. La nature géologique du sous-sol, mais surtout l’important couvert forestier et la proximité du littoral méditerranéen, ont favorisé le développement de verreries dès le Moyen Âge en fournissant le combustible et la plupart des matières premières nécessaires à la fabrication du verre et à sa mise en œuvre. Pour autant, les vestiges archéologiques et les sources écrites nous permettent surtout d’entre-apercevoir l’activité verrière de l’époque moderne, marquée par les dernières verreries forestières et l’avènement des verreries au charbon.
L’objectif du projet Verres aux cendres est de retrouver les recettes et les ingrédients des verres aux cendres de plantes médiévaux. Ces procédés de fabrication, aujourd’hui disparus, ont été adoptés lors de l’appropriation de l’ensemble de la chaîne opératoire du verre par les artisans occidentaux à la fin du premier millénaire. Antérieurement, les verriers refondaient des lingots de verre brut produits au Proche-Orient ou bien recyclaient du verre brisé. La naissance d’ateliers complets en Europe représente donc une étape-clé de l’histoire du verre. Le choix de l’Occitanie comme cadre géographique a été motivé par l’existence de plusieurs traditions verrières, dont on ignore si elles ont coexisté ou se sont succédées. Cette région constitue en effet une zone de contact entre plusieurs influences. Les verriers du pourtour méditerranéen ont privilégié les cendres des plantes halophytes, adaptées aux milieux lagunaires salins, comme source de fondant. En Europe continentale, en revanche, les artisans se sont tournés vers les cendres de plantes forestières, telles que le hêtre ou la fougère.
Si ces questions sont habituellement abordées par l’archéologie et l’archéométrie, le projet Verres aux cendres souhaite les traiter par l’entremise des sources historiques et de l’expérimentation archéologique. Le premier volet consistera donc à rassembler un dossier documentaire sur la production et la circulation des matières premières du verre entre le milieu du XIIIe et le premier quart du XVe siècle, basé sur le dépouillement des fonds notariés des Pyrénées-Orientales. Grâce à la collaboration d’un verrier contemporain, des tests de fusion seront ensuite réalisés sur des ressources naturelles locales (sable, grès siliceux, cendres) sélectionnées en fonction des résultats obtenus, ce afin d’élaborer des recettes verrières conformes aux pratiques médiévales. Ce travail d’expérimentation aboutira en 2025 par la construction d’un atelier de verriers complet dans le Domaine de la Verrerie à Carmaux.
Ce projet fédère une équipe pluri- et interdisciplinaire, ancrée sur plusieurs territoires d’Occitanie (Tarn, Roussillon, Montpellier et Toulouse). Les fruits de cette coopération alimenteront plusieurs évènements de valorisation, tant auprès de la communauté scientifique que du grand public.
Référent
Ines Pactat, post-doc TIRIS, laboratoire TRACES
Mots-clés
patrimoine verrier, Moyen Âge, Occitanie, archéologie,
expérimentation
Partenaires
Participants et spécialités
Inès Pactat (post-doctorante à TRACES) travaille sur des thématiques liées à la production et à la consommation du matériau verre au haut Moyen Âge
Isabelle Commandré (INRAP) spécialiste de l’artisanat du verre en Bas-Languedoc du XVIe au XVIIIe siècle.
Jordi Mach (doctorant Université Paris 8) spécialiste de l’artisanat du verre en Languedoc et animateur culturel
Jocelin Maurel (verrier contemporain) expérimentations de fusibilité de plusieurs matériaux collectés en Occitanie
Laurence Marchand (directrice du Musée du Verre de Carmaux) supervisera la phase finale de
l’expérimentation sur le Domaine de la Verrerie
Nouvelles productions du projet
Bibliographie
Alart B., 1873 – L’ancienne industrie de la verrerie en Roussillon, Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, vol. 20, p. 307-322.
Caliste L. 2009 – Inventaire des verreries de la Montagne Noire, Archéologie tarnaise, 14, p. 45-95.
Commandré I., 2014 – L’artisanat du verre en Bas-Languedoc du XVIe au XVIIIe siècle, Thèse de Doctorat, Aix-en-Provence, Aix-Marseille Université, soutenue le 3 juillet 2014, 3 volumes.
Fontaine D., Mach J., 2020 – Conditions de création et organisation des ateliers de verriers en Roussillon (1350-1650), in : Pactat I., Munier C. dir., Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, p. 173-188.
Foy D., 1988 – Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, Paris, CNRS Editions.
Mach J., 2021 – Produire et consommer le verre en Roussillon à la fin du Moyen Âge (1249-1534), mémoire de Master, Université Paris 8, 2023, 294 p.
Pactat I., L’activité verrière en France entre le VIIIe et le XIe siècle. Résilience et mutations d’une production artisanale, Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, 25.1, [En ligne] : https://doi.org/10.4000/cem.18365